Techniques avancées de navigation côtière

Voici quatre techniques avancées de navigation côtière. La première des quatre est d’usage pratique. Les trois dernières demanderaient qu’énormément de systèmes embarqués soient brisés pour en faire un cas d’usage réel. Par contre, certaines peuvent se retrouver au cursus d’examen du RYA ou des examens de Carte et pilotage de Transport Canada.

Je détaille ci-dessous chaque problème associé aux techniques, puis explique en détail, étape par étape, comment construire les solutions. Il faut une carte, un rapporteur breton, un crayon et un compas pour faire les constructions.

Running Fix, de Carpe Diem Sailing.

Sur le plan des connaissances, je présume que les personnes connaissent les concepts d’amer, de route surface, de route sur le fond, de dérive et savent faire un point relevé transposé (un running fix). Au besoin, on peut écouter l’excellent vidéo de l’école de voile Carpe Diem Sailing pour se rafraîchir la mémoire. Ces pré-requis font partie de tous les cursus de navigation côtière intermédiaire de la franchise de Voile Canada.

Ci-dessous, j’emploie les conventions de notation de l’Organisation maritime internationale (repris par Voile Canada) pour détailler les réponses.

L’univers de travail

Il faut comprendre le plan cartésien pour faire ces exercices.

Je présente les exercices dans le plan cartésien. La longitude y est remplacée par l’axe des x et la latitude par l’axe des y. Les unités seront toujours en milles nautiques. Dans l’image ci-dessus, le point A est à 3 milles nautiques de l’origine en x et à 4 milles nautiques à l’origine en y, ce qu’on note (3, 4). Les points B et C sont sur la côte et respectivement aux coordonnées (8, 3) et (12, 5).

Si vous souhaitez reproduire les exercices ci-dessous sur une feuille de papier, vous pouvez facilement reproduire ces « pseudo-cartes » en examinant où se situent la position des amers. Ils sont toujours à des coordonnées entières et facile à lire. La reproduction est la meilleure manière d’apprendre.

Le plan cartésien est commode pour faire des images à l’ordinateur. C’est un environnement numérique qui permet de tracer clairement les constructions étapes par étapes en générant des images à souhait. Cela facilite la compréhension. Le défaut, bien sûr, est que la personne qui lit les exercices doit faire l’effort de d’adaptation lorsqu’elle fera face à des cartes réelles. Dans une projection de Mercator, ce n’est pas très difficile, puisque tout est rectangulaire et seules les échelles changent.

Construction 1: le point transposé avec courant

Mise en situation

À 1000, vous relevez l’amer « A » au 135° T (degrés vrais), puis au 190° T à 1045. Votre vitesse de surface est de 6.0 noeuds au 080° T et vous subissez une dérive de 1.5 noeuds allant au 110°T.

  • Quelle est votre position à 1045?
  • Quelle était votre position à 1000?
Information connueAvantagesDésavantage
Deux relevés d’un même amer à des moments différents.

La magnitude et la direction du courant.

Le route et la vitesse de surface du bateau.
Ne requiert qu’un seul amer.

Applicable même lorsqu’il y a du courant.
La fiabilité de la position identifiée dépend de la fiabilité du courant estimé.

Le « running fix » tenant compte du courant est un outil de relevé de position utile en pratique. Il fonctionne quand il y a du courant et il ne requiert qu’un seul amer pour identifier sa position. Parce que la côte est américaine est longée de phares, on peut par exemple suivre la progression de son bateau de la Nouvelle-Écosse jusqu’à la Floride seulement avec cette technique.

Solution

C’est la même idée qu’un relevé de position ordinaire. Par contre, on doit transposer le premier relevé en suivant la route sur le fond, qui doit être construite à partir de la route de surface et de la dérive de courant. Les étapes sont donc:

  1. Tracer les deux relevés à leurs heures respectives.
  2. Prendre un point arbitraire sur le premier relevé et tracer la route de surface en partant de ce point.
  3. À la fin de la route surface, tracer la dérive de courant.
  4. La somme des deux vecteurs – du début de la route surface, jusqu’à la fin de la dérive de courant – correspond à la route sur le fond.
  5. Transposer le premier relevé à la fin du vecteur de dérive, de manière à le garder parallèle au premier relevé.
  6. L’intersection du second relevé avec le relevé transposé correspond à la position à 1045.
  7. En déplaçant ensuite la route de surface et le vecteur de dérive à cette intersection, on peut, à rebours, identifier la position à 1000.

Je détaille ces étapes en image dans le tableau ci-dessous. Au besoin, on peut ouvrir l’image dans un nouvel onglet de navigateur pour l’agrandir.

ConstructionCommentaire
La figure montre le tracé des deux droites de position. On sait que le bateau est quelque part sur la première ligne à 1000 et quelque part sur la seconde ligne à 1045.
On prend un point quelconque sur la première droite de position. N’importe lequel fait, mais c’est mieux de prendre un point qui permettra de faire un tracé propre.

De ce point, on trace le vecteur de surface de longueur égale à l’intervalle de temps (45 minutes, soit 4.5 mn au 080°). À la fin de ce vecteur de surface, on y ajoute le vecteur de dérive (sur 45 minutes, soit 1.1 mn au 110°).

Le vecteur résultant entre le point choisi et la fin du vecteur de dérive correspond à la route sur le fond (non tracé).

La route sur le fond n’atteint pas l’autre droite de position. Ce faisant, la route du navire et plus proche des côtes que celle originant du point supposé. (le contraire est vrai aussi: si on dépassait, la route serait plus loin).
La figure montre la transposition de la droite de position de 1000 à 1045. La transposition est faite de manière à rester parallèle à la droite de position originale, mais pour passer par la fin du du vecteur de dérive.

On note qu’un point transposé avec courant est la même chose qu’un point transposé ordinaire, mais où on incorpore la dérive pour évaluer la route du bateau.
L’intersection entre la droite de position à 1045 et la droite de position transposée correspond à la position du navire à 1045. (À peu près à la position (7.9, 9)).

On remarque que ce point est effectivement plus proche des côtes que ce que ne suggérait le point original.

Tout ce qu’il reste à faire est de déplacer la route de surface et la dérive pour identifier où était le navire à 1000. On fait ce déplacement pour que la fin du vecteur de dérive arrive à l’intersection identifiée (encerclée) et que l’orientation des vecteurs ne change pas.
La figure à gauche montre le déplacement de la route de surface et de la dérive. La route sur le fond est également tracée. (Les tracés originaux sont illustrés en pointillé.)

Le début de la route sur le fond correspond à la position du navire à 1000.
La position à 1000 est maintenant indiquée par le cercle (un « fix »). Cette position est environ au (2.4, 8.6).

La totalité de la construction est maintenant cohérente: les deux positions identifiées sont sur les lignes de position et correspondent également à la route sur le fond calculée.

Construction 2: l’angle inscrit

Mise en situation

Vous mesurez l’angle horizontal entre l’amer « A » et l’amer « B» et obtenez une valeur de 50°. Vous mesurez de plus l’angle horizontal entre l’amer « B » et l’amer « C » et obtenez une valeur de 30°.

  • Identifiez votre position.
Information connueAvantageDésavantages
L’angle horizontal relatif entre deux paires d’amers. Ne requiert aucune information additionnelle en termes de vitesse, de courant, ou autre.Ne permet pas d’estimer la vitesse sur le fond sans faire un autre relevé.

La construction est élaborée.

Au moins trois amers sont requis.

Cette technique d’identification de relevé de position repose sur un résultat de géométrie classique sur les cercles, soit le théorème de l’angle inscrit:

Si un arc de cercle entre deux points (ici des amers) mesure un angle 2\theta à partir du centre d’un cercle, alors n’importe quel point sur la circonférence du cercle (la position du bateau) formera un angle de \theta entre les deux mêmes points.

On peut se servir de ce théorème pour construire un cercle de position. En effet, si on mesure un angle horizontal donné entre deux amers (\theta), on sait alors que le bateau sera nécessairement sur un cercle dont le centre mesure un angle de 2\theta. L’idée est de construire ce cercle. Nous verrons comment ci-dessous.

En répétant cette idée pour les deux mesures d’angles horizontaux, on peut alors tracer deux cercles de position. L’intersection de ces deux cercles donne un relevé de position.

Solution

La procédure est la suivante:

  1. Construire le cercle des positions possibles cohérent avec l’angle horizontal entre « A » et « B ».
    • On trace une droite entre les deux amers.
    • On trace une perpendiculaire à mi-chemin entre les deux amers. Le centre du cercle est nécessairement sur cette perpendiculaire.
    • On trouve le point, sur cette perpendiculaire, tel que l’angle à l’amer A est égal à l’angle du relevé (ici 50°). Par le théorème de l’angle inscrit, ce point est le centre du cercle.
    • Au compas, on tracer alors le cercle passant par « A » et « B ».
    • Le bateau est nécessairement sur ce cercle.
  2. Construire le cercle des positions possibles cohérent avec l’angle horizontal entre « B » et « C ».
    • On reprend la même procédure que ci-dessus, mais en adaptant l’angle à celui entre « B » et « C » (ici 30°).
    • Le bateau est nécessairement sur ce cercle.
  3. Ces deux cercles s’intersectent à deux endroits. Généralement, l’une d’eux ne fait pas de sens (e.g. l’endroit est sur la côte, etc.). On conserve l’endroit sensé à titre de relevé.

Je détaille ces étapes en image dans le tableau ci-dessous. Au besoin, on peut ouvrir une image dans un nouvel onglet l’agrandir.

ConstructionCommentaire
La première étape consiste à tracer une droite entre les deux amers (ici « A » et « B »).
On érige ensuite une perpendiculaire à la droite tracée. Cette perpendiculaire doit être à la mi-chemin de la droite tracée.

Le centre du cercle est nécessairement sur cette perpendiculaire. Il faut alors identifier à quelle hauteur il se trouve.
On identifie le point sur la perpendiculaire qui fait un angle de 50° entre la perpendiculaire et n’importe lequel des deux amers (ici « A »). L’approche la plus simple est d’ériger une droite à angle égal au complément à partir de l’amer (90° – 50° = 40°).

Comme l’angle à partir du centre fait 50° et mesure le moitié de l’angle entre les deux amers, l’angle entre A et B mesuré à partir du centre fera le double (100°).

On sait ainsi que par le théorème de l’angle inscrit, n’importe quel point sur la circonférence du cercle autour du centre identifié aura un angle de 50°. Il faut alors tracer ce cercle.
On peut tracer le cercle à l’aide d’un compas. Le cercle doit passer par les deux amers.

Le navire est nécessairement sur ce cercle de position.
Avec la même démarche, on construit un deuxième cercle de position pour l’autre paire d’amer (ici « B » et « C »).

Le navire est nécessairement sur ce deuxième cercle de position.
Seulement deux points sont simultanément sur les deux cercles. L’un est encerclé et l’autre est l’amer « B ».

Ici, l’amer « B » est sur les deux cercles parce qu’il a servi aux deux constructions. Plus généralement, les deux points peuvent être quelconques, mais l’un d’eux sera toujours dépourvu de sens (e.g. sur la côte).

On retient donc le point en mer, ce qui donne la position du navire. Ici, la position est environ au (3.9, 8.2).

Construction 3: trois relevés avec courant

Mise en situation

Votre route de surface est au 270° T. À l’aide de votre compas, vous faites trois relevés successifs de l’amer « A »: au 210° T à 1000, au 180° T à 1100 et au 165° T à 1130. Le courant est de 1.0 noeud au 210°.

  • Identifiez votre position à 1000, 1100 et 1130.
  • Identifiez votre route sur le fond.
Information connueAvantagesDésavantages
Trois relevés du même amer, à des moments différents.

L’amplitude et la direction du courant.
Ne requiert qu’un seul amer.

Ne requiert aucune information sur la vitesse du bateau.
Construction élaborée.

La fiabilité dépend de la fiabilité de l’estimation du courant.

Présume que le courant est constant pendant la période d’observation.

L’idée de la construction ci-dessous est de faire deux transpositions de relevé. On va prendre le relevé « du milieu » (celui de 1100) et le transposer dans le futur (à 1130) et dans le passé (à 1000). Cette transposition va nous permettre d’identifier la direction de la route sur le fond.

Le hic est qu’on ne peut pas employer la technique usuelle de transposition de relevés, car on ne connaît pas la vitesse du bateau. Il faut donc se servir du principe de proportionnalité au temps pour faire une transposition. On ne connaît pas la vitesse, mais on sait que 60 minutes se sont écoulées entre le premier et le deuxième relevé. On sait également que 30 minutes se sont écoulées entre le deuxième et le troisième relevé.

Ainsi, la distance parcourue sera nécessairement deux fois plus grandes dans le premier segment que dans le second segment (car 60 / 30 = 2). Toutes les routes qui satisferont ce rapport de proportionnalité ont le même angle que la route sur le fond: ce sont des parallèles. Il reste à identifier laquelle est la bonne.

À l’aide du cap et du courant, on peut alors identifier la vitesse sur le fond en choisissant une droite parallèle à celle identifiée, mais qui est simultanément cohérente avec la vitesse du courant, la route de surface et les relevés de position.

Solution

La procédure est la suivante:

  1. Tracer les trois relevés aux moments identifiés.
  2. Calculez l’écart de temps entre le premier et le deuxième relevé et le deuxième et le troisième relevé (ici 60 minutes et 30 minutes).
  3. Érigez une perpendiculaire au second relevé passant par l’amer.
  4. Sur cette perpendiculaire, identifiez des distances à partir de l’amer qui sont proportionnelles au proportion de temps écoulé avant et après le relevé du milieu. Dans la solution ci-dessous, j’emploie 4 milles nautiques et 2 milles nautiques. Notez que leur rapport est égal au rapport de temps écoulé.
  5. Transposez le relevé du milieu aux deux points identifiés à l’étape précédente. Les relevés transposés doivent demeurer parallèle à l’original.
  6. La droite identifiée par l’intersection des relevés 1 et 3 et des relevés transposés donne l’angle de la route sur le fond.
  7. Au début de cette route de fond hypothétique, tracer une droite suivant la direction de la route de surface (ici au 270° T).
  8. Sur l’intervalle de temps entre le premier et le dernier relevé, calculez la longueur du déplacement causé par le courant (ici, la durée est de 90 minutes, donc le courant déplace le bateau de 1.5 mille nautique au 210°).
  9. Identifiez la droite unique qui:
    • démarre à partir de la droite de route sur le fond tracée à l’étape 7.
    • se termine sur la route sur le fond hypothéthique de l’étape 6.
    • Respecte la longueur et la direction du courant identifiée à l’étape 8.
    • Cette droite identifie la vitesse sur le fond et la vitesse de surface qui est cohérente avec l’angle de la route sur le fond et les informations sur le courant. En particulier, elle identifie la longueur de la route sur le fond sur le temps écoulé entre les relevés.
  10. Transposez la route sur le fond identifiée à l’étape 9 de manière à ce que le point de départ et le point d’arrivée coïncide avec le premier et le troisième relevé.

Je détaille ces étapes en image dans le tableau ci-dessous. Au besoin, on peut ouvrir chaque image dans un nouvel onglet de navigateur pour l’agrandir.

ConstructionCommentaire
La figure montre les trois droites de position pour 1000, 1100 et 1130. Le navire est nécessairement quelque part sur ces droites aux heures indiquées.
On commence par ériger une perpendiculaire à la deuxième droite de position (celle entre les deux autres). La perpendiculaire doit passer par l’amer.
Sur cette perpendiculaire, je place des points dont l’écart à l’amer est proportionnel au temps écoulé.

Il s’est écoulé 60 minutes entre le premier et le second relevé alors qu’il s’est écoulé 30 minutes entre le second et le troisième relevé. Le rapport de temps est 2 (60/30).

Je choisis donc des distances de 4 et 2 milles nautiques.

J’aurais pu choisir n’importe quelles autres distances qui ont un rapport de 2. C’est pratique de choisir celles de taille appropriée au tracé.
Je transpose le deuxième relevé aux points identifiés sur la perpendiculaire. Notez que ces deux relevés intersectent la première et la troisième droite de position.
En traçant une droite entre les deux intersections, on est capable d’identifier la direction de la route sur le fond, soit environ 257° T.

Seules les routes qui ont une direction de 257° respectent, à vitesse constante, le fait que deux fois plus de temps s’est écoulé entre les deux premiers relevés qu’entre les deux derniers.

Il reste à identifier la vitesse sur le fond. Si la vitesse est plus élevée, la route sur le fond sera parallèle à la droite identifiée, mais plus éloignée des côtes. Inversement, elle sera plus proche si la vitesse est plus faible.
On trace maintenant la route de surface (au 270°) à partir de la route hypothétique.

On sait que pendant l’intervalle de temps (1h30), le courant a induit un déplacement de 1.5 milles nautiques au 210°.

Il faut alors trouver la seule ligne qui, simultanément:
– part de la route de surface au 270°.
– arrive à la route sur le fond identifiée au 257°.
– est d’une longueur de 1.5 milles nautiques.
La détermination de la dérive à l’endroit requis forme un triangle. Ce triangle forme la route de surface, la dérive et la route sur le fond.

Il n’est cependant pas au bon endroit. On remarque que la fin de la route sur le fond, dans l’intervalle de temps de 1h30, n’arrive pas à la dernière droite de position. C’est parce que nos choix de 4 milles nautiques et de 2 milles nautiques étaient des valeurs trop élevées.

Il faut ainsi transposer la route sur le fond vers les côtes – en restant parallèle -, pour que le début et la fin coïncide avec les droites de position.
Voilà le maintenant le triangle original transposé, avec la notation appropriée. Les vitesses sont calculées en mesurant la longueur de chaque vecteur, divisé par l’intervalle de temps écoulé.

On remarquera que tout est maintenant cohérent:
– La route sur le fond démarre à la première droite de position et se termine à la dernière droite de position.
– Est cohérente avec la route de surface.
– Est cohérente avec la route et l’amplitude du courant.

Il ne reste qu’à identifier les positions aux heures appropriées.
Les trois positions demandées sont maintenant identifiée sur l’image.
– À 1000, le navire est au (11.6, 9.3).
– À 1100, le navire est au (8.0, 8.4).
– À 1130, le navire est au (6.2, 8.0).

Notez qu’il serait également possible d’avoir un problème similaire où on donnerait la vitesse sur le fond et l’orientation du courant sans donner la vitesse du courant. La construction est alors pratiquement la même, à l’exception de la dernière étape, où on doit déduire l’ampleur du courant à partir du vecteur de vitesse à la surface.

Construction 4: quatre relevés

Mise en situation

Vous faites trois relevés successifs de l’amer « A »: au 150° T à 1000, au 180° T à 1100 et au 210° T à 1200. À 1230, vous faites un relevé sur l’amer « B » au 200° T.

  • Identifiez votre position à 1000, 1100, 1130 et à 1200.
  • Identifiez votre route sur le fond.
Information connueAvantagesInconvénients
Trois relevés d’un amer à trois moments différents.

Un relevé d’un autre amer à un quatrième moment.
Ne requiert que deux amers.

Aucune information nécessaire sur la vitesse du bateau ou du courant.
Construction élaborée.

On ne peut déduire que la route sur le fond.

On démarre cette démarche de la même manière que la construction 3. On aura ainsi la direction du vecteur de route sur le fond. La dernière mesure de l’amer nous permettra d’identifier la vitesse sur le fond. L’idée cruciale à comprendre est la même qu’à la construction précédente, soit que des vecteurs parallèles, mais de tailles différentes, respectent la proportionnalité des écarts au temps. Un seul de ces vecteurs constitue la route sur le fond.

La procédure est la suivante:

  1. Identifier la direction de la route sur le fond en répétant les étapes 1 à 6 de la construction précédente. On obtient ainsi une droite qui a la même orientation que la route sur le fond.
  2. Sur la perpendiculaire érigée au deuxième point transposé, identifier le point supplémentaire qui correspond à l’écart de temps entre le deuxième relevé et l’amer « B ». Transposer la droite de position du deuxième relevé à cet endroit (en la gardant parallèle).
  3. Tracer la droite de position de l’amer « B ».
  4. Tracer la droite qui démarre à l’amer « A » et qui se rend à l’intersection de la droite de même orientation que la route sur le fond et la droite transposée de l’étape 2. Prolonger cette droite jusqu’à ce qu’elle croise la droite de position de l’amer « B ». Ce point d’intersection correspond à la position du navire à l’heure du relevé de l’amer « B ».
  5. On transpose alors la route de même orientation que la route sur le fond pour la faire passer par ce point. On obtient alors la route sur le fond.
  6. En procédant à rebours, on peut identifier toutes les positions au moment des relevés passés.

Je détaille ces étapes en image dans le tableau ci-dessous. Au besoin, on peut ouvrir chaque image dans un nouvel onglet de navigateur pour l’agrandir.

ConstructionCommentaire
Les droites de position sont indiquées sur cette figure. On remarque que le temps écoulé entre le premier et le second relevé est identique à celui entre le second et le troisième relevé.

Similairement, les variations d’angles sont identiques (+30° dans les deux cas).
On peut trouver l’orientation de la route sur le fond en reproduisant les étapes 1 à 6 de la construction précédente.

Mais dans le cas particulier qui nous occupe, on peut employer le fait que la seule droite qui est cohérente avec des variations identiques d’angle et de temps est la droite parallèle à la côte.

On sait donc que la route sur le fond est au 090°.

Dans la Figure de gauche, une droite parallèle à la côte est tracée, avec la perpendiculaire requise pour la construction (passant par l’amer).
On fait maintenant la transposition de la droite de position de 1100 au moment d’observation de l’amer « B ».

Si nous avions la bonne droite de route sur le fond, la droite de position transposée croiserait la droite de position de l’amer « B ». Ce n’est pas le cas, signifiant que la droite présume d’une vitesse sur le fond trop faible. Il faut l’éloigner des côtes.

Pour obtenir la bonne route sur le fond, on prolonge la droite partant de l’amer « A » jusqu’à l’intersection entre la droite transposée tout juste tracée et la route hypothétique de fond. (En pointillé sur la carte).

L’intersection entre cette droite pointillée et la droite de position de l’amer B nous donne la position à 1230.

Il nous reste alors à transposer la route de fond hypothétique pour la faire passer par ce point pour avoir la route sur le fond réelle.
La route sur le fond est maintenant correctement identifiée. La vitesse est identifiée simplement en mesurant la longueur du vecteur divisée par la période de temps.

Notons que la route respecte simultanément les écarts de temps et place le bateau sur les droites de position aux heures appropriées.

Il ne reste qu’à identifier les positions correctement.
La position à 1000 est environ au (2.3, 9.5).

La position à 1100 est au (6, 9.5).

La position à 1200 est environ au (9.7, 9.5).

La position à 1230 est environ au (11.6, 9.5).

Conclusion

Le premier problème est suffisamment important pour le garder en tête lorsqu’on est en navigation. Les trois autres sont plus des constructions qui montrent l’ingéniosité des navigateurs d’une autre époque… et de l’importance que revêtaient les phares à une époque précédant le GPS (ou les systèmes LORAN). Les tenant de la vieille école argumenteront cependant de l’importance de pouvoir identifier sa position et sa vitesse même quand les systèmes électroniques à bord font défaut.

Dans ce cas, on peut quand même faire des relevés à la mitaine avec deux amers et deux séries de relevés. C’est plus simple. Et personnellement, j’imagine très mal faire les constructions 3 et 4 sur une table de navigation typique d’un voilier, d’au plus un demi-mètre par un mètre, et dont la stabilité n’est tributaire que de l’absence de houle. Bref, ces constructions sont principalement utiles… en examen.

Si on souhaite comprendre pourquoi les recettes identifiées ci-dessus fonctionnent, il peut être très utile de faire de la géométrie euclidienne. Un cours de géométrie classique peut grandement aider. Les navigateurs grecs ne faisaient ces constructions qu’à l’aide d’un compas et d’une règle sans graduation. Les temps changent!

Si on souhaite développer cette intuition sans prendre de cours formel, l’application Euclidea, disponible à la fois sur Google Apps et sur le Apple store, peut aider à développer les intuitions nécessaires en géométrie. C’est peut-être de quoi vous garder occupé pendant un long passage en mer.