Au cours de la dernière année, j’ai suivi les cours pour obtenir le « Master of Yachts 200gt », soit l’adossement commercial au brevet de YachtMaster Offshore. Ces cours sont additionnels au brevet du YachtMaster Offshore et permettent d’exercer des activités professionnelles (légales) en tant que Skipper là où les formations du RYA sont reconnues.
L’adossement commercial est limité à quelques restrictions, implicitement dictées par la formation YachtMaster que vous avez reçue. Comme j’ai obtenu un YachtMaster pour la voile, mon adossement commercial est limité aux navires à voile (voiliers/catamarans, etc). Il y a également des restrictions de taille et de distance: moins de 200 tonnes, moins de 24 mètres et en naviguant à moins de 150 milles nautiques des côtes. On peut enlever la restriction de distance si on va chercher le brevet de YachtMaster Ocean par la suite.
En substance, il faut répondre à cinq conditions pour qu’un brevet obtienne un adossement commercial. Premièrement, il faut obtenir un numéro de marin de Transport Canada. Deuxièmement, obtenir un certificat médical de gens de mer attestant de sa capacité à travailler en mer. Troisièmement, il faut réussir la formation accréditée STCW sur les mesure d’urgences en mer. Quatrièmement, il faut réussir la formation accréditée STCW sur le secourisme en mer. Cinquièmement, il faut réussir un cours portant sur les responsabilités professionnelles comme Skipper.
Je dirais que c’est une démarche qui demande plus du temps et de l’argent qu’autre chose. Les formations ne sont pas particulièrement difficiles si vous avez un minimum d’aptitudes aux bancs d’école. Ce qui est plus dur est en amont, soit l’obtention de son YachtMaster Offshore. Je détaille les qualifications requises ci-dessous.
Numéro de marin
Obtenir un numéro de marin de Transport Canada est une formalité administrative. On écrit un courriel avec quelques pièces d’identité numérisées et on nous donne un numéro. Fin de l’histoire.
Le numéro de marin servira à compiler les formations, attestations professionnelles et le temps de mer obtenu en vertu de la convention STCW.
Certificat médical
Le certificat médical découle d’un examen portant sur l’audition, la vue, la forme physique générale … et la capacité de passer dans des écoutilles de taille pré-déterminées (lieux étroits). Seuls les médecins autorisés par Transport Canada peuvent émettre un certificat d’aptitude. Il faut en trouver un, prendre rendez-vous, payer 400$, se faire examiner et si vous êtes en forme, c’est à peu près tout.
Formation sur les mesures d’urgence
La formation sur les mesures d’urgence est le premier cours qui vous fait passer dans l’univers maritime professionnel. Il faut suivre une formation qui respecte les articles A-VI/1-1 à A-VI/1-4 de la convention STCW, soit:
- Techniques individuelles de survie (A-VI/1-1);
- Prévention de l’incendie et lutte contre l’incendie (A-VI/1-2);
- Sécurité individuelle et responsabilités sociales (A-VI/1-4);
- Secourisme élémentaire en mer (A-VI/1-3).
Les trois premières formations sont combinées dans un cours du Centre de Formation en Mesures d’Urgence (CFMU) de l’Institut Maritime du Québec (e.g. Cégep de Rimouski). C’est un cours de 8 jours, de 8h le matin à 16h le soir. On passe deux jours en classe à comprendre la sécurité individuelle et les responsabilités sociales sur un bateau (procédures d’urgence, rôles d’appel sur un bateau, etc.).
On passe ensuite trois jours en formation pratique à la lutte et la prévention d’incendies (on joue au pompiers, photos ci-dessous). On fait finalement trois jours à pratiquer des manoeuvres d’abandon de navires en haute mer (radeau de survie, combinaisons de survie, navires de survie, etc.). Deux photos, tirées du site du CFMU, représentent assez bien les six derniers jours.
Pour ceux et celles qui connaissent le brevet de formation à la survie en haute mer de Voile Canada, les derniers jours de la formation sont similaires en substance, mais la formation au CFMU est accréditée en vertu de la convention STCW.
La structure du cours est orientée vers les activités professionnelles. Au Canada, c’est la marine marchande. J’ai donc suivi cette formation avec plusieurs apprentis matelots qui s’apprêtaient à embarquer sur des tankers ou des traversiers. Les « exemples types » du cours sont des tankers.
La formation en classe est de niveau secondaire professionnel: on est assis en classe de 8h à 17h. Il n’est pas nécessaire de se préparer d’avance, ni de lire ses notes de cours avant de se rendre au cours, pour réussir. Il faut s’asseoir, être patient et noter quand le professeur indique que « cette matière pourrait être à l’examen » (un gros signe que c’est une question d’examen…).
La formation pratique est riche en apprentissages. On apprend notamment à maîtriser des incendies sur des superstructures d’acier, sortir des personnes d’un incendie, organiser un plan d’intervention pratique d’incendie, mettre des combinaisons individuelles de survie, gonfler, retourner et embarquer dans un radeau de survie, de même que d’autres techniques de survie en mer lorsqu’on est sans radeau (organisation en « planche », en cercle, etc.).
Pendant ma formation, des personnes ont eu des difficultés à réussir les parties pratiques en matière de maîtrise des incendies et d’abandons de navire. C’est en partie parce qu’elles avaient peur de l’eau, du feu, des espaces clos, des espace clos qui brûlent… ou des espaces clos qui brûlent et qui sont remplis de fumée. La partie incendie est relativement exigeante physiquement et peut l’être psychologiquement.
Elle est aussi de peu d’utilité sur les voiliers en fibre de verre. Elle est pensée pour des Yachts en acier (ou autre structures similaires). Cela dit, le reste est applicable en toutes circonstances de navigation à voile.
Le cours coûte environ 2500$ et il faut se déplacer une semaine à Lévis.
Secourisme élémentaire en mer
C’est un cours de deux jours sur les techniques de secourisme en mer. Il est offert par le CFMU pour 400$, mais on peut le suivre dans le privé pour 150$. On peut le suivre pendant une fin de semaine.
Pour avoir suivi un cours de secourisme « ordinaire » avant d’avoir à prendre ce cours, je dirais que c’est la même affaire… mais un peu plus cher. Si j’avais à repenser mon cheminement, je ferais immédiatement le cours de secourisme en mer, sans secourisme « ordinaire », pour aller chercher la certification STCW. Le cours n’est pas particulièrement difficile.
Responsabilité professionnelle en tant que Skipper
Le cours couvre les modalités administratives et légales associées aux opérations d’un bateau commercial. Comment assembler l’équipage, comment réfléchir aux opérations, aux processus d’embauches, quelles sont les normes légales de construction de navires et les différentes normes de respect d’équipement de survie. C’est à la mi-chemin entre un cours universitaires de droit et un cours universitaire de gestion des opérations.
Le cours est particulièrement aride. Il faut absorber énormément de matériel sur les normes de construction de navires, de même que les obligations légales des navires et/ou des skippers.
J’ai suivi le cours en ligne. L’approche pédagogique du cours est de fournir des condensés de textes légaux et de normes techniques, suivi de quiz. La plupart des questions demandaient une lecture des textes légaux et/ou des normes, si bien qu’avant le troisième quiz (sur une dizaine), j’ai cessé de lire les condensés et suis passé directement à la lecture des textes légaux et des normes. Si vous êtes le genre de personne qui aime faire ses impôts, vous aimerez le cours. Pour tous les autres… c’est comme faire ses impôts. Évidemment, on comprend l’utilité, mais ce n’est pas particulièrement plaisant.
Le cours est orienté sur les lois et normes du Royaume-Uni, mais le cours fait aussi très bien comprendre qu’un navire du Royaume-Uni naviguant dans les eaux territoriales d’un autre pays et aussi assujetti aux lois de ce pays. Ils recommandent donc de faire le suivi législatif d’un autre pays (e.g. le Canada) en même temps qu’on fait le cours, pour « s’habituer » à faire ce genre de recherches en continu.
L’examen du cours est excellent. Ils vous fournissent un plan de navigation, les spécifications d’un bateau … et ils vous demandent quelles sont vos obligations légales en matière d’équipage, de médicaments à bord, de compétences, etc. Ça fait pédaler, mais l’exercice a le mérite d’être très concret.
Obtention du brevet
Une fois toutes ces certifications obtenues, on achemine son dossier et son « ancien » brevet YachtMaster au RYA. On peut payer pour un « fast track » ou attendre les délais normaux de livraison. Ensuite, vous obtenez un nouveau brevet contenant les spécifications commerciales.
Valid for commercial use on vessels subject to the codes of practice issued by the Maritime an Coastguard Agency until: [date d’expiration].
[…] This certificate is valid for use as Master of Yachts of up to 200gt on commercially and privately registered yachts until: [date d’expiration].
(Extrait du Brevet avec adossement commercial)
Conclusion
Est-ce utile d’avoir un adossement commercial? Seulement si vous souhaitez tirer un revenu légal comme Skipper. En soit, la licence commerciale du RYA ouvre des portes à l’étranger, de par la notoriété du RYA, mais c’est aussi une voie d’accès à un titre de capitaine en bonne et due forme.
Une formation YachtMaster du RYA (ou du IYT) est une condition nécessaire d’accès aux examens donnant le titre de Capitaine MCA 200. Cette certification permet en principe de travailler à titre de capitaine sur n’importe quel navire (de moins de 200 tonnes) et, de par la convention STCW, devrait être reconnue par les pays membres de l’OMI.