Faire un plan de navigation: 2e partie

Front froid et dépressions

En collaboration avec Simon Midi Robitaille-Brisson et Luca Leboeuf.

Ce texte est le second d’une série de trois textes portant sur la construction d’un plan de navigation. Il fait usage de l’électronique et se veut pédagogique, donnant beaucoup plus de détails que la normale.

Dans le premier texte, nous avons discuté d’une démarche d’élaboration d’un plan de navigation en quatre phases, soit:

  1. Une phase exploratoire dite « heuristique »;
  2. Une phase détaillant les spécifications du bateau et de l’équipage;
  3. Une phase formalisant les tracés et les routes;
  4. Une phase traitant des dimensions périphériques à la navigation.

Ce deuxième texte applique la démarche à un convoyage d’un bateau entre les Bahamas et le Québec. Il se concentre sur les deux premières phases de la démarche. Le troisième texte se concentre sur les deux dernières.

Le plan de navigation est réel, au sens où il a effectivement servi à convoyer un bateau, mais le nom du bateau et ses spécificités ont été modifiées pour préserver l’anonymat.

Mise en situation

Un client retient vos services pour convoyer son bateau de Freeport, Bahamas jusqu’à une marina aux environs de St-Jean-sur-Richelieu. Il souhaite un départ aux environs du premier mai, pour lui permettre de profiter du bateau sur le Lac Champlain pendant l’été. Le bateau est un Beneteau First de 35 pieds nommé « HORUS ». Le client indique que son bateau est très lent et a une vitesse maximale de quatre nœuds. Vous êtes en charge du convoyage et devez préparer le plan de navigation.

Phase heuristique

Quels chemins possibles peut-on prendre? Une première approche serait de prendre l’Intracoastal Waterway à partir de Miami et de le remonter jusqu’à Norfolk. Une deuxième approche consisterait à prendre le Gulfstream et de remonter jusqu’au port de New York. Dans les deux cas, on peut ensuite remonter la rivière Hudson jusqu’au Lac Champlain, en passant par le Canal Champlain et ses écluses, puis jusqu’à St-Jean-Sur-Richelieu. Une liste de questions, à ce stade, pourrait ressembler à ceci:

  1. Est-ce que le bateau est capable de faire une route hauturière?
  2. Est-ce que la distribution générale des vents est compatible avec les courants du Gulfstream?
  3. Où et comment faire des déclarations douanières en arrivant à New York?
  4. On dit qu’il faut démâter lorsqu’on emprunte la rivière Hudson:
    • À quel endroit faut-il le faire?
    • Quels sont les ponts et le dégagement sous les ponts sur la rivière Hudson?
    • Quels systèmes faut-il débrancher pour enlever le mât?
  5. Est-ce que le bateau a un pied de mât sur le pont ou plutôt qui se rend jusqu’à la quille?
  6. Quel est l’horaire des écluses du Canal Champlain?

Ces questions reflètent ce à quoi j’ai pensé en commençant à réfléchir au plan de navigation. Elles mettent beaucoup d’emphase sur le Canal Champlain, que je connais moins, que sur la météo et le segment hauturier, que je maîtrise mieux. C’est possible que les questions ci-dessus ne soient pas pertinentes pour vous, parce que vous connaissez ce segment. Dans ce cas, il faudrait réfléchir à vos questions. Ce qu’il faut retenir, c’est que pendant la phase exploratoire, on travaille à répondre aux questions sans réponses.

Segment hauturier

J’ai commencé la construction du segment hauturier parce que c’est un terrain qui m’est plus familier. C’est aussi le début de la navigation. Ma première question était de voir combien de temps en mer serait nécessaire pour se rendre à New York, considérant un bateau qui avance à quatre nœuds.

J’ai débuté la phase exploratoire en regardant les pilot charts pour la partie nord de l’Atlantique (image ci-dessus). Ces cartes sont disponibles gratuitement sur le site de l’armée américaine. Les pilot charts sont utiles parce qu’elles montrent la distribution statistique des vents et des courants. Ces distributions statistiques ont la forme de rose de vents (image ci-dessous) et montrent la direction générale des vents.

Rose des vents 101

L’image ci-dessous montre une rose des vents. Le texte qui l’entoure est directement tiré de la page wikipedia portant sur les pilot charts. On peut y lire:

« Les vents sont représentés par une rose des vents bleue dans chaque zone « carrée » de largeur 5° en latitude et 5° longitude. Elle montre la distribution des vents qui ont prévalu dans la zone pour la période d’observation. Les flèches composant cette rose sont disposées tous les 45°. La longueur de celles-ci indique le pourcentage du nombre total d’observation dans lequel le vent a soufflé de leur direction. Le nombre de pennes au bout des flèches indique la force moyenne du vent en Beaufort.

Lorsque la longueur de la flèche est trop grande pour une lecture confortable sur la carte, le pourcentage est directement indiqué sur la flèche. Le nombre écrit au milieu de la rose des vents indique le pourcentage de périodes calmes. » (Wikipedia, s.d.).

La rose des vents illustrée ci-dessus montre un vent qui vient du nord 40% du temps (Force 7), suivi de vents du nord-est (Force 7 également). On note également que 3% du temps (le « 3 » au centre de la rose), il n’y a pas de vent. Dans la région que décrit la rose des vents, on peut donc s’attendre à une prédomininance de vents du nord et du nord-est. L’échelle de Beaufort nous renseigne que des vents de Force 7 correspondent à des vents entre 28 et 33 nœuds.

Pilot charts et courants

Les pilot charts illustrent aussi les courants moyens sur la carte (flèches vertes). On peut aussi y déduire les courants prédominants le long de la côte est américaine. Les habitués reconnaîtront alors le Gulfstream, affectueusement appelé « le tapis magique », le courant de surface qui remonte les eaux chaudes vers le nord. Une image vaut mille mots. Ci-dessous, on peut voir le Gulfstream en mauve et blanc, via une copie d’écran du modèle de courants de l’application électronique « Windy ».

Que déduire?

Les pilot charts montrent que la distribution des vents des alizés va globalement dans le même sens que le Gulfstream. C’est une bonne nouvelle, puisque cela facilitera notre progression. Sachant qu’on quitte des Bahamas et que les vent viennent de l’est, du sud-est, puis du sud, je me suis aussi fait une note mentale à l’effet que ce serait une navigation principalement sur tribord amure, au vent arrière (et nous donnant l’avantage sur le plan des priorités entre voiliers). Je me suis aussi dit que cette distribution statistique des vents serait, en pratique, perturbée par des dépressions et les fronts froids en provenance des États-Unis.

J’ai également analysé le segment hauturier sous une autre contrainte: un membre de l’équipage fait son examen pratique du YachtMaster Ocean pendant le convoyage. L’examen demande d’être au minimum à plus de soixante milles nautiques des côtes pendant plus de deux-cent milles nautiques pour que le segment se qualifie pour le brevet. J’ai noté que tant qu’on demeure dans le Gulfstream, la navigation nous donne amplement d’espace pour le faire.

Finalement, j’ai regardé quel est le calendrier de lancement des fusées Space X à Cape Canaveral. Ça n’a aucune valeur pratique en navigation, mais si on peut synchroniser notre passage avec un décollage de navette, ça nous place aux premières loges pour un maudit bon show!

J’ai donc fait un premier sketch de plan de navigation pour le segment hauturier, empruntant le Gulfstream entre les Bahamas et New York. Cette version fut tracée dans OpenCPN (reproduction de l’écran ci-dessous).

J’ai ensuite regardé le temps requis pour faire cette navigation en analysant la forces des courants le long du Gulfstream. J’ai identifié quatre endroits avec des courants significativement différents, ce que j’ai combiné à la vitesse du bateau pour obtenir une estimation de la durée du segment hauturier. Les informations sont présentées au tableau ci-dessous.

SegmentDistance (MN)Vitesse sur le fond (kn)Durée (jours)
Freeport → Gulfstream584.00.6
Guflstream rapide(Miami –> Daytona Beach)2357.51.3
Gulfstream lent(Daytona Beach → Cap Hatteras)3315.52.5
Cap-Hatteras→ New York2384.02.5
Total8625.26.9

Je me suis ensuite fait une note mentale en me disant que je devrais vérifier si le bateau est capable de supporter l’équipage pendant 7 à 10 jours. Autrement, ce segment hauturier serait à repenser. Je me suis aussi fait une note mentale à l’effet que je devrais former l’équipage aux dépressions et aux fronts froids, ne serait-ce au minimum, pour qu’ils soient capables d’en reconnaître les signes avant-coureurs. J’ai alors demandé au second de l’équipage de préparer un mini-briefing sur les dépressions, les fronts, la ballot law et les cycles de météo qui sont associés.

Les dimensions météo m’ont aussi fait réfléchir à des ports de refuge, si jamais nous devions rentrer à terre. J’ai donc fait une liste de villes plus ou moins équidistantes le long de la côte et j’ai également demandé au second de préparer des possibles arrivées à chacune de ces villes: identifier une marina, quelques copies d’écran « google » aidant à l’arrivée et des informations de contact. Si tout va bien, ces informations ne serviront pas, mais elles pourraient aider à s’orienter rapidement si quelque chose tournait mal. Le travail du second (briefing et entrées de port de refuge) est disponible dans les annexes de ce document.

Finalement, je me suis demandé quel était l’état des voiles sur le bateau, et s’il y avait suffisamment d’équipement de survie pour faire le passage hauturier en toute sécurité. Je me suis gardé à ce stade de qualifier ce trajet de « définitif », préférant attendre de répondre à ces questions.

Segment sur la Rivière Hudson

J’ai commencé l’exploration de ce segment par ce que n’importe quelle personne fait en ces temps modernes: j’ai « googlé ». J’ai notamment trouvé des réponses en matière de tirant d’air sur le New York State Canal, permettant d’identifier à partir de quand le mât doit être enlevé. J’ai aussi trouvé des références aux marinas permettant de démâter dans le Cruiser Forum.

J’ai aussi trouvé un bon compte rendu des techniques et du temps requis pour traverser les écluses sur le blogue d’Arsenault. Finalement, j’ai beaucoup lu sur les processus de déclarations aux douanes américaines lorsqu’on arrive en voilier. Savoir « googler » avec des questions en anglais est d’une aide inestimable, car nos voisins américains conversent dans la langue de Shakespeare.

Je n’ai pas tout trouvé via Google. Je me suis procuré la section du guide américain « Waterway Guide » qui porte sur la rivière Hudson et le Canal de Champlain, que j’ai lu intégralement. Il faut d’une aide inestimable pour comprendre les marées et courants, de même que ce sur quoi porter attention en navigation. Si j’avais été au Québec au moment de la construction de ce plan, j’aurais aussi considéré l’achat de l’ouvrage de Luc Bernuy portant sur l’emprunt de l’Intracoastal Waterway.

J’ai déduit énormément d’informations de ces différentes sources. Je détaille les plus importantes.

D’abord, les écluses ne sont pas ouvertes avant le 18 mai et ne sont ouvertes qu’en continu pendant les fins de semaine. Comme on part le premier mai, c’est une sérieuse contrainte sur le plan de navigation. Il faut être là à temps… et il est inutile d’être en avance. À ce stade, j’ai commencé à réfléchir au plan de navigation en termes de jours avant ou après le 18 mai. La partie hauturière se comptait en « jours avant le 18 mai » et la partie après les écluses se comptait en « jours après le 18 mai ».

Ensuite, le Waterway Guide est très riche en notes de pilotage et en informations sur la Rivière Hudson. D’abord, il faut penser au segment entre New York et Albany comme de la navigation côtière. J’ai aussi appris que la majorité du trafic maritime – des barges – communiquent sur le Canal 13 de la VHF. J’ai aussi pris note de marnage de 3 à 5 pieds et de courants pouvant aller jusqu’à 1.5 nœuds. Connaissant déjà les sites de la NOAA sur les stations de marée, je me suis dit que ce serait à télécharger à bord une fois arrivé à New York.

Plus informatif, le guide précise qu’au printemps, il y a de nombreux débris provenant de la fonte des neiges, notamment des troncs d’arbres. Je me suis donc fait une note mentale en me disant que sur ce segment, on ne devrait probablement progresser que pendant la journée et avec une personne qui fait une veille à l’avant du bateau. J’ai finalement noté que plusieurs marina avaient des peignes perpendiculaires au courant, ce qui signifie que nous aurons à accoster avec le courant qui nous rapproche ou éloigne des peignes, selon le côté.

J’ai perdu beaucoup de temps à identifier comment faire les déclarations de douanes pour finalement comprendre que tout se fait en ligne, via l’application CBP ROAM (ref 1, ref 2, ref 3). C’est à ce moment que je me suis également posé la question sur la manière de faire sa déclaration de sortie des Bahamas (quel endroit/application?), que je me suis dit qu’il me faudrait les papiers d’immatriculation d’HORUS et qu’il me faudrait une connexion cellulaire fonctionnelle pour faire une déclaration en ligne.

Finalement, la plupart des sources indiquent que la région des Catskills est un bon endroit pour démâter. On identifie deux ou trois marinas qui ont l’équipement pour le faire. Je me suis aussi fait une note mentale à l’effet qu’il faudrait l’équipement nécessaire pour démâter et construire des supports pour le mât une fois qu’il serait à l’horizontale.

En somme, cette recherche exploratoire m’a fait réaliser les contraintes suivantes:

  • Il faut être aux écluses pour le 18 mai.
  • Sur la Hudson, au printemps, il est peut-être mieux que de ne naviguer de jour et avec une personne en veille, à l’avant.
  • Il y a des courants de marée suffisamment importants pour tenir compte de l’horaire des marées.
  • On devrait démâter dans la région de Catskills.
  • Les déclarations de douanes américaines se font en ligne. Il me faut une connexion wifi ou cellulaire.
  • Je ne sais toujours pas à quel endroit faire les déclarations de sortie aux Bahamas.
  • Il faut un plan pour démâter.

À ce stade, la séquence pour franchir les écluses n’était pas encore claire. J’avais lu Arsenault trop vite, et le Waterway Guide présente la succession d’écluses dans le sens inverse (en partant de Montréal). Finalement, je ne voyais pas encore la séquence des villes le long de la rivière Hudson: Catskills est avant ou après Albany? Combien de jours pour se rendre à Catskills? Est-ce possible d’y être pour le 18? Je le mentionne pour souligner que c’est typique de la phase heuristique: on n’a pas encore toutes les réponses.

Cette confusion est en partie liée au fait qu’OpenCPN n’a pas les cartes marines de la rivière Hudson. Je suis donc passé à Boating pour planifier ce segment. Pour m’aider à démêler le tout, j’ai fait des mesures « à vol d’oiseau » de 40 milles nautiques avec l’outil de compas (image à gauche), pour estimer rapidement le nombre de journées requises.

Chacun ses préférences en matière d’application de navigation! J’aime bien OpenCPN pour la planification, mais une leçon qui est peut-être à retenir est qu’on progresse plus vite si on en maîtrise plus d’une.

Pour m’aider à visualiser les étapes importantes, j’ai aussi inséré des marqueurs aux Catskills puis à chaque écluse (image de droite). Ce marquage m’a permis de voir à quoi ressemblait les étapes importantes tout au long de la rivière.

Ça m’a permis de déduire qu’il fallait à peu près deux jours pour couvrir la distance entre New York et les Catskills. Ça m’a aussi fait réaliser qu’Albany se situe entre les deux.

On est encore loin d’un plan de navigation, mais le portrait est plus clair, notamment parce qu’on voit les étapes importantes et qu’on visualise le chemin à faire en termes d’étapes.

À ce stade, j’ai laissé de côté l’exploration de la rivière Hudson parce que j’avais les idées assez claires. J’ai commencé à me concentrer sur les capacités du bateau.

Considérations pédagogiques en lien avec la phase heuristique

Avant de passer à l’analyse du bateau, je me permet de clarifier quelques dimensions qui peuvent aider une personne qui apprend à se situer.

Premièrement, si c’est la première fois que vous voyez des rose des vents, entendez parler des alizées et du Gulfstream, c’est beaucoup d’information avancée qui est à digérer. L’objet de ce texte n’est pas de vous former à la météo marine, ou encore de vous former à la lecture des cartes marines. C’est plutôt de montrer comment intégrer ces connaissances à un plan de navigation. Si les fondamentaux liés aux cartes où à la météo sont moins connus, c’est une bonne idée de suivre un cours ou une formation pour mieux les comprendre.

Deuxièmement, cette première exploration néglige les considérations tactiques liées à la fenêtre de départ et à les ajustements pendant le segment hauturier. La version définitive du plan comprend une incertitude de plus ou moins trois jours sur la date de départ pour maximiser les chances d’avoir une bonne fenêtre météo pendant le segment hauturier. Il faut se rappeler qu’un plan de navigation n’est pas un objet rigide, mais une idée générale quant aux options, incluant des options favorites, mais aussi d’autres options (ports de refuge, etc.).

Troisièmement, il manque toujours une dimension importante au segment hauturier, soit l’arrivée au port de New York. Je l’ai déférée à la section sur les tracés de carte.

Quatrièmement, j’ai tracé le segment hauturier même si on est techniquement en phase exploratoire. C’est en partie parce que c’est un « terrain » que je connais plus. Cela dit, dans le segment hauturier, on remarquera que j’ai été beaucoup plus lent à me rendre aux tracés, notamment parce que je connaissais moins les spécificités de la rivière Hudson. J’ai dû lire et apprendre.

Cinquièmement, je vous ai présenté l’ensemble des sources sur la rivière Hudson dans deux ou trois beaux paragraphes synthétisant les résultats. En pratique, ça m’a pris du temps pour trouver ces sources, soit environ deux jours de recherche « à temps perdu », sans compter les lectures associées. Le texte ci-dessus à peut-être ce défaut, à savoir qu’il présente les résultats un peu « pré-digérées ». En pratique, il faut chercher, trier les sources, retenir celles qu’on estime pertinentes, se tromper, trouver une autre source, et ainsi de suite. La phase exploratoire prends du temps!

Ce qu’il faut retenir ici est que votre vitesse et approche d’élaboration sera peut-être différente de la mienne, parce que vos connaissances diffèrent des miennes. L’important est d’utiliser la phase heuristique pour « faire le tour » de ce qui est à comprendre et de renforcer vos connaissances là où elles sont plus faibles.

Phase détaillant le bateau et l’équipage

Pour préserver l’anonymat du client, les données du bateau ci-dessous sont tirées (en partie) du site web « sailboatdata.com ». Elles peuvent différer d’autres spécifications propres au Benetau First 35. Pour des raisons évidentes, les CV de l’équipage ne sont pas non-plus détaillés.

Le « First 35 » a un tirant d’eau d’un peu moins de deux mètres et a un tirant d’air d’un peu moins de 15 mètres (14 mètres de mât + franc bord estimé à 1 m), soit 49 pieds. C’est une contrainte importante, car 49 pieds est supérieur aux 45 pieds de tirant d’air garanti dans la majorité des ponts de l’Intracoastal Waterway.

Ça ne veut pas dire que c’est impossible de passer sous ces ponts (on peut jouer sur les marées basses, ou pencher le bateau, etc.), mais ça signifie que ça ralentirait significativement la progression si on empruntait l’Intracoastal à partir de Miami. Il faudrait attendre les marées, jouer avec des poids pour faire giter le bateau, ou démâter.

Le bateau a des réservoirs d’eau de 201 litres et le client me rapporte avoir 100 litres additionnels « strappés sur le pont ». Le réservoir d’essence est de 65 litres, avec 40 litres additionnels sur le pont. Le client m’indique également avoir un tourmentin, une seconde grande voile et du matériel général d’entretien du bateau. Il m’indique ne pas savoir combien d’heures sont inscrites au moteur, un Yanmar 30hp, mais m’assure d’avoir fait le changement d’huile au début avril, avant son retour pour le Québec.

Le bateau a une annexe dotée d’un moteur 2 temps (mélange à 2.5%), qui est présentement dégonflée et serrée dans le voilier. Le client m’indique que les vestes de sauvetage ne sont pas à bord, qu’il n’y a pas d’équipement électronique de navigation et que les courroies de contrôle de l’autopilote sont à remplacer. Il n’y a pas de désalinisateur à bord, mais une génératrice à essence portative est sur le bateau.

Sur le plan de l’électricité, le client rapporte avoir plus de 300 Ah de batteries au lithium, des piles neuves, en plus de 400 Watts de panneau solaire. Il m’indique également que les piles sont connectées à l’alternateur via un contrôleur de charge MPPT et que certains systèmes sont en 24 volts plutôt qu’en 12 volts. Il m’indique également avoir remplacé l’alternateur de base par un modèle plus performant.

Capacité en eau

Le plus long segment de navigation est le segment hauturier, pouvant aller jusqu’à dix jours. Avec une consommation généreuse de six litres par personnes par jour, pour quatre personnes, l’équipage a un besoin de 240 litres. Ce besoin est à l’intérieur aux capacités embarquées. À ce stade, je me rappelle aussi que de diversifier les sources de stockage d’eau est une bonne stratégie. Si une s’avérait contaminée, les autres demeurent potables (Vous ais-je déjà conté l’histoire d’un client qui a confondu le bouchon de diesel avec le bouchon d’eau potable?). Je me fais une note mentale d’acheter des bouteilles d’eau potable.

Portée nominale à moteur

On apprend beaucoup en lisant les spécifications techniques d’un moteur. La figure la plus importante, pour fins de planification, est celle détaillant la relation entre la consommation et la vitesse du moteur. Pour une vitesse de rotation variant entre 2000 et 2600 RPM, la consommation d’un Yanmar 30hp est entre 2 l/h et 4 l/h (image ci-dessous). Je présume (un gros « guesstimate ») que le bateau ira entre 5 et 7 nœuds à ces vitesses, ce qui donne les portées nominales au tableau ci-dessous.

RPMConsommation (L/h)VitessePortée (heures)Portée (mn)
20002.05.052.5262.5
23002.76.038.9233.4
26003.87.027.6193.2
Portée en fonction de la vitesse (Yanmar 30hp).

C’est un résultat typique de plusieurs moteurs marin. La portée diminue avec une augmentation de la vitesse. Ça se produit parce que la consommation augmente de manière plus que proportionnelle par rapport à la vitesse: on peut aller plus vite, mais toutes proportions gardées, on consomme plus de diesel. Ce faisant, on peut aller moins loin.

Je note aussi qu’on a bien plus que 100 mn de portée pour rentrer au port, advenant une éventuelle avarie importante pendant le segment hauturier. Pour le segment côtier sur la rivière Hudson, je me dis qu’on pourra trouver des marinas où nous pourrons faire le plein. Autrement je note qu’on ne fera pas exprès pour surmener un moteur avec un nombre d’heures inconnues.

Systèmes électriques

Les informations fournies par le client sont suffisantes pour ne pas me préoccuper davantage de l’électricité à l’étape de la planification. 400 Watt de solaire, à 80% de taux d’efficacité pendant 6 heures, procurent 1920 Wh (« wattheure »), soit 160 Ah (« ampère heure »). Ce n’est pas un budget infini, dont certainement une partie importante sera consommée par l’autopilote et le frigidaire, mais ce n’est pas non-plus la disette. Au pire, on démarrera le moteur une heure ou deux, à chaque journée du segment hauturier, pour recharger les batteries.

Matériel à bord

Je note qu’il faudra gonfler l’annexe, apporter des vestes de sauvetage et des lignes de vie. Je note également qu’il faudra embarquer du matériel de navigation. Je me dis aussi qu’apporter un peu d’essence, pour faire fonctionner la génératrice, est peut-être une bonne idée. Je n’ai pas pour plan de m’en servir, mais c’est une option énergétique que je préfère avoir « au cas ». Je communique également avec le client pour discuter d’achats pour divers éléments. Nous réfléchissons à la manière dont l’équipement pourra être livré à Freeport. Après quelques discussions, amener du matériel directement dans les valises nous semble être l’approche la plus simple.

Conclusion

À ce stade, nous avons suffisamment d’information sur le bateau, ses capacités et les différentes contraintes propres à la planification de tracés. Je suis raisonnablement convaincu qu’on peut faire le segment hauturier. Je suis aussi convaincu qu’on peut se rendre aux écluses pour le 18 mai. Le plan de navigation commence à prendre forme!

Il reste alors à compléter les éléments de navigation manquants: arrivée à New York, tracés côtiers, et l’horaire des marées. Il me faut également songer aux éléments périphériques du plan de navigation: je n’ai toujours pas réfléchi à la manière de démâter le bateau, ni pensé aux procédures de sortie (« clearance ») des Bahamas. Je ne sais toujours pas où faire l’épicerie, ni les marinas où nous irons dormir en chemin. Je dois également faire quelques « checklist » pour m’assurer de ne rien manquer.

Ces considérations feront l’objet du troisième texte, en conjonction avec les tracés de cartes.

Références

Arsenault, J. F. (2022). Jour 14 : Écluses 1 à 6 du Canal Champlain, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Bernuy, L. (2018). L’Intracostal, le guide 4e éd., Éditions objectif sud, ISBN 9782981230218.

Hunter Parrot (2011). Boat Balls 2, vidéo récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

CruisersForums.com (s.d.). Mast and de-demast on Champlain canal / Hudson river, document récuéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Gouvernement du Canada (2022). Circuits et intinéraires – Lieu historique national du Canal de Chambly, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

_______________________ (2017). Tableau de l’échelle Beaufort, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Kennedy Space Center (s.d.). Launches and Events, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Maritime Safety Information (s.d.). Atlas of Pilot Charts, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

National Oceanic and Atmospheric Admninistration (s.d.). What is the Gulfstream?, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

__________________________________________ (s.d.). Tides and currents, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Navionics.com (s.d.). Navionics Boating App, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

New York State Canal Corporation (s.d.). Bridge Heights, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Noonsite.com (s.d.). USA Pre-arrival procedure for Yachts, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

OpenCPN.com (s.d.). OpenCPN, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Pier du Sud (2024). Faire un plan de navigation: 1ère partie, document récupéré en ligne en avril 2024 à cette adresse.

__________ (2023-a). Faire le bilan énergétique de son voilier, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

__________ (2023-b). Qu’est-ce qu’un contrôlleur de charge MPPT?, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Royal Yachting Association (s.d.). RYA Yachtmaster Ocean Exam, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Sailboatdata.com (s.d.). First 35 (Beneteau), document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

U.S. Customs and Border Protection (2023). CBP Reporting Offsite Arrival – Mobile (ROAM), document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

______________________________ (2024). Pleasure Boats, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Villeneuve, B. (2022). Météo Marine, LSM Latitude, ISBN 9782981436917.

VoileMercator.com (s.d.). Cours théoriques, document récupéré en ligne en avril 2024 à cette adresse.

Yanmar.com (s.d.). 3YM30AE, document récupéré en ligne en avril 2024 à cette adresse.

Waterway Guide (s.d.). Waterway Guide, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Wikipedia (s.d.). Horus, document récupéré en ligne en avril 2024 à cette adresse.

________ (s.d.). Canal Champlain, document récupéré en ligne en avril 2024 à cette adresse.

________ (s.d.). Pilot charts, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

________ (s.d.). Loi de Buys-Ballot, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Windy.com (s.d.). Windy, document récupéré en ligne en avril 2024 à partir de cette adresse.

Annexes

Mini Briefing sur les dépressions

Pour le leg hauturier, il faudra prendre en compte le déplacement des dépressions qui pourrait venir perturber le schéma habituel des vents en partance de Freeport. En effet, des vents contraires à un fort courant crée des vagues particulièrement inconfortables pour la navigation et en cas de forte dépression des conditions tout simplement dangereuses.

Définition : comme le nom l’indique une dépression (D) est une zone de relative basse pression (pression atmosphérique moyenne : 1013 hPa). Plus la pression en son centre est basse plus le vent y sera puissant et en général les vents sont plus forts près du centre.

Loi de Buys Ballot: La rotation de la terre fait en sorte que le vent autour d’une dépression souffle dans le sens anti-horaire (dans l’hémisphère Nord). Ainsi, en se plaçant le dos au vent, on peut estimer que le centre de la dépression se trouve sur notre gauche (le bras gauche à 90 degrés). La majeure partie de notre leg hauturier devrait être accompagné de vent Sud-Ouest et Sud, si la direction du vent change, il faut se poser la question d’où se trouve la dépression et vers où elle se dirige sur notre route (à notre latitude, elles se déplacent généralement vers l’Est).

Les fronts: (dans l’hémisphère Nord) une forte dépression va être accompagnée de systèmes météos frontaux. Les frontières entre fronts chauds et fronts froids sont des lieux de météo très rough, vents forts et changement brusque de la direction du vent. L’arrivé du front froid peut causer des grains (forte tempête localisée) et des nuages d’orage. 

https://cimg2.ibsrv.net/gimg/pprune.org-vbulletin/672x504/untitled_5e4177249632f4c9986407762d6f2c7bc7dc9929.png

Éviter une dépression: Règle générale, prendre tribord amure pour s’éloigner du centre de la dépression. On dit souvent de garder l’allure près-bon plein si les vagues le permettent jusqu’à ce que la pression remonte puis passer au largue.

Ports de refuge

Jacksonville (Fl)

Lamb’s Yatch Center. Contact :   VHF 8/16 +1 (904) 327-2285. Quais: 240 slips 2$/ft Repair, haulout, diesel

Directions

Quand même loin dans les terres en suivant la St Johns River. À moins de travaux importants, envisager une marina plus proche pour se protéger du mauvais temps.

Savannah (Ga)

Thunderbolt Marina. Contact: VHF 11/16 +1 (912) 210-0363. Quais: 45 slips 2,25$/ft  Repairs, Huge travel lift, Diesel (4,550$)

Directions

ICW – Mile Marker MM 583 Green 35. Thunderbolt Marina is conveniently located Just outside Savannah on the Wilmington River in Thunderbolt, Georgia

Charleston (SC)

Dolphin Cove Marina  N 32° 49.750′ / W 079° 57.967′. Contact: VHF ? +1 (843) 744-2562. Quais : 85 slips 2,5$/ft Repairs, travel lift, ethanol free gas

Directions

Dolphin Cove Marina is located just 2 miles from the Coast Guard Base on the right-hand side of the river. Find us on the river between buoy markers 15 and 16

Georgetown (SC)

Hazzard Marine   N 33° 21.633′ / W 079° 16.800′. Contact : VHF 16 +1 (843) 527-3625. Quais: 37 slips 1,75$/ft Repair, haulout, fuel ($4,509)

Directions

Enter the Sampit River channel from the ICW through markers 41 & 42. Proceed toward the City Waterfront leaving junction marker “S” on your port side. Favor the east side of channel leaving anchored vessels to port. Hazzard Marine is the first facility on your right marked by concrete floating docks with black piles and white buildings with red tin roofs.

Southport (NC)

Aucune des marinas ne semble avoir de boatyard ou travel lift en cas de bris majeur.

Deep Point Marina. Contact : VHF 10/16 +1 (910) 269-2380. Slips : 82 2$/ft Fuel, no repairs (4,699$)

Beaufort (NC)

Town Creek Marina. Contact : VHF 8/16 +1 (252) 728-6111. Slips : 71?    3$/ft   Repairs, travel lift et fuel  (3,840$)

From Beaufort Inlet and Beaufort Channel heading north: Follow markers north through the location of the former Beaufort drawbridge (the bridge and footings have been removed). Pass under the 85′ high power lines and stay in the channel on a heading toward the 65′ Gallants Channel bridge, keeping the G/R “TC” junction buoy to starboard until you pass it. Once past the “TC”, turn to starboard keeping both the “TC” and “R2” to your starboard side. Town Creek Marina will be on your port side, on the north side of Town Creek. Call for docking assistance on VHF 16/08 or call the Ship’s Store at 252-728-6111 ext. 2.

Norfolk (VA)

Cobb’s Marina. Contact :    VHF 68/16 +1 (757) 588-5401. Slips : 70 wet slips 2,5$/ft Boatyard et Fuel

Directions

From Thimble Shoals channel marker 13 head due south to the 1LC buoy and the entrance to Little Creek. Once inside the jetties take a starboard turn at daymarker 8 into the pleasure boat basin. We are the first marina on your port past the navy ships.