Dix histoires de marins (2/10)

Ce texte est le second de dix portant sur des mises en situation à voile. Ils sont tirés de faits vécus et traitent de différents aspects de la voile. Les approches et réponses possibles sont multiples – et on se gardera bien de présenter des réponses définitives -, mais dans la semaine suivant la publication de chaque texte, on présentera les réflexions qui ont animé l’auteur de ces textes, tantôt comme membre de l’équipage, tantôt comme Skipper. L’important est de réfléchir à ces situations pour développer sa capacité à y répondre adéquatement.

Des signaux de nuit

Vous êtes sur un voilier pendant une navigation de nuit et naviguez vers l’est. À bâbord du navire, l’équipage aperçoit une signalisation de trois éclats groupés, blancs, et se répétant à toutes les six secondes.

Le Skipper réfléchit et prend manifestement du temps à reconnaître la signalisation. Pendant ce « moment à vide », un autre équipier déclare reconnaître le feux comme une bouée de danger isolé et suggère qu’on l’évite par le tribord du navire. L’équipier commence alors à donner des justifications et des instructions au reste de l’équipage.

  1. Vous êtes le Skipper et vous n’êtes toujours pas sûr du signal. Que faites-vous?
  2. Vous êtes un autre équipier à bord et vous reconnaissez le signal. Que faites-vous?

Discussion sur « l’Annexe à l’envers »

Le texte de la semaine dernière faisait état d’une annexe renversée, avec des personnes qui sont toujours sur la plage. On demandait d’évaluer ce qu’il fallait faire si on était toujours sur le quillard (le « skipper ») et si on était sur la plage (la « mère »). On relira la mise en situation, au besoin.

Cas du Skipper

Le Skipper est formellement la personne responsable des activités et de l’équipage. Même à l’arrêt, il doit être en mesure d’intervenir pour répondre à des situations d’urgence. Il n’y a pas de danger grave et imminent, donc un appel Mayday n’est pas approprié. Le bateau est toujours manœuvrant, si bien qu’un Pan Pan n’est pas approprié non-plus.

Dans ce genre de situation, il peut être intéressant de travailler avec un ordonnancement des priorités: équipage, bateau puis mission (« people, boat, mission »). D’abord se préoccuper des gens, ensuite évaluer les éléments critiques propres au bateau, puis s’assurer d’avoir les conditions réunies pour continuer la mission (la « croisière »).

Équipage

En lien avec les personnes, il peut être utile de s’assurer que le mari, exténué et stressé de son retour à la rame, puisse reprendre ses états. Si lui consacrer quelques minutes permet de le rendre capable de contribuer à la récupération des personnes sur terre, c’est idéal. Dans tous les cas, on le voudra capable de « se gérer » pendant qu’on se concentre sur le reste de l’équipage.

Ensuite, il récupérer les personnes à la plage. On se rappellera que la plus petite peine à nager en eaux calmes. On cherchera ainsi des solutions qui évitent de la ramener au bateau en mer. Dans ce contexte:

  1. Demander de l’aide aux voiliers voisins, en particulier pour un éventuel transport en annexe. Ce n’est pas le temps d’être orgueilleux.
  2. Rapprocher le bateau pour le mettre, par rapport aux personnes à terre, sous le vent. Si une intervention à la nage ou à la rame doit se faire, elle se fera au moins de manière à ce que ce soit le moins forçant possible.

La première option est de loin la plus facile et méritera de l’insistance au besoin.

Bateau

La mécanique des moteurs quatre temps est telle qu’on n’aura qu’un mince espoir de récupérer un moteur submergé à l’eau de mer pendant plus de quinze minutes. Cela dit, on peut tenter de sauver le moteur hors-bord par temps mort. On rincera les cylindres et le carburateur à l’eau douce, puis à l’essence, pour enlever le sable et limiter la corrosion. On placera également les bougies au chaud (au soleil, voire au four) pour tenter de les sécher. Si des bougies de rechange existent, on songera à les remplacer. Cela dit, la planification de la récupération des personnes devrait se faire en considérant que le moteur quatre temps est foutu.

Mission

Pour le suivi de la croisière, il faut savoir s’il est nécessaire d’avoir un moteur d’annexe pour continuer la croisière. Si c’est le cas, il faut modifier les plans pour trouver un nouveau moteur. Il faut également réfléchir aux causes qui ont menées à la renverse de l’annexe. La plage était-elle trop inclinée? Les vagues trop fortes? La personne mal formée? Dans tous les cas, le Skipper voudra peut-être « coacher » un peu les personnes pour éviter qu’une telle situation se reproduise. Ultimement, il voudra peut-être s’occuper des voyages à terre. L’idée est ici de balancer la responsabilité, le risque et le plaisir de la croisière.

Cas de la personne sur la plage

La personne sur la plage est avec trois enfants. Elle a de l’eau pour la journée, mais elle n’est pas trop au courant de l’état du moteur de l’annexe, ni des procédures de récupération qui seront développées. Surtout, elle n’a pas de moyen de communication avec le Skipper.

On peut penser à la gestion de l’incident selon trois dimensions:

  1. Ménager l’eau, le temps et l’exposition au soleil. L’idée est que l’intervention de récupération peut prendre du temps. En particulier, on trouvera des moyens d’occuper les enfants (sur une plage, ce n’est pas très difficile!).
  2. Contacter les autres personnes sur la plage. Cette prise de contact peut aider à coordonner une éventuelles récupération, particulièrement si les autres personnes sont venues avec une annexe.
  3. Suivre ce qui se passe sur le quillard. En particulier, si le quillard se déplace, on peut tenter d’évaluer le plan du Skipper en pensant qu’il tente de faire ce qui est mieux pour résoudre la situation.

Pour la petite histoire, nous avons réussi à contacter le Skipper d’un autre voilier. Ce dernier nous a gracieusement accompagné avec son annexe, et nous avons pu récupérer tout le monde en moins de deux heures. Ça nous aura coûté une bouteille de rhum (!). Une fois les personnes à terre récupérées, nous avons consacré un bon après-midi à tenter de sauver le moteur (sans succès).