Comment réparer ses amarres

Une amarre de manille passablement amochée.

La dernière saison a eu raison d’une extrémité d’une amarre sur Jean-du-Sud. Une réparation était de mise. J’ai profité de la réparation pour faire un court vidéo sur la manière de la réparer. Je présente donc comment faire un nœud de cul-de-porc et une épissure de fin d’amarre (ang.: backsplice). Je montre comment le faire ci-dessous, mais avant, je donne un minimum de vocabulaire et fait un bref exposé sur les types d’amarres.

Vocabulaire

Une amarre est cordage destiné à attacher (« amarrer ») un bateau au quai. C’est une corde qui est un assemblage de plusieurs parties tressées ensemble. (ang.: mooring line).

Un toron est un cordage de plus petit diamètre qui sert à constituer une amarre. Un toron peut-être lui-même constituée de plus petits cordages (appelés « brins »). (ang.: strand).

Le tressage est la technique par laquelle on assemble des torons entre-eux pour faire une amarre. On peut par exemple de parler de « tressage à trois torons » ou de « tressage à huit torons » pour désigner le nombre de torons qui sont dans une amarre spécifique. (ang.: braid).

Le cœur d’une amarre est la partie tressée qui lui donne sa résistance longitudinale. (ang.: core).

La gaine est la partie protectrice recouvrant le cœur. (ang.: cover).

Une épissure désigne à la fois la technique de tressage et le bout d’amarre résultant de la technique. On parlera d’une épissure renversée pour terminer l’extrémité d’une amarre, ou d’une épissure en œil pour désigner une épissure servant à faire une boucle à la fin d’une amarre. (ang.: splice/backsplice/eyesplice).

Pour situer le vocabulaire à l’égard de ce texte, je montre ci-dessous comment faire une épissure renversée sur une amarre de manille à trois torons. (ang.: a backsplice on a three braided manilla line.)

Trois matériaux

Il y a trois types de matériaux pour les amarres, qu’on peut généralement classifier en termes de résistance. Les moins résistantes sont les amarres organiques (chanvre ou manille), suivi des amarres de polypropylène (qui ont le grand avantage de flotter) et enfin les amarres de nylon (les amarres « modernes ») qui sont les plus résistantes de toutes. Un tableau synthèse, ci-dessous, détaille les avantages et les inconvénients de amarres. Sur les bateaux récents, l’amarre la plus courante est en nylon. Sur Jean-du-Sud, les amarres sont en manille. N’ayant pas acheté d’amarre récemment, on voudra peut-être vérifier les assertions du tableau concernant les prix.

MatérielAvantageInconvénientRemarque
Manille, chanvre ou autre matériel organiqueMoins cher (?)– Résistance longitudinale moindre.
– Ne flotte pas.
– Va pourrir si laissé mouillé.
Les amarres organiques n’ont généralement pas de gaine. Le cœur est directement exposé.
Polypropylène.– Meilleure résistance longitudinale.
– Flotte.
– Ne pourrit pas.
– Plus cher (?)
– Plus rigide.
Idéale pour une ligne attachée à un coffre (mooring), ou pour une ligne de vie car elle flotte.

Le cœur est exposé (pas de gaine).

Elle sont souvent à trois torons.
Nylon– Résistance maximale.
– Ne flotte pas.
– Ne pourrit pas.
– Souple.
– Plus cher.
– Le cœur s’endommage facilement s’il est exposé.
Les amarres de nylon sont recouvertes d’une gaine protectrice.

Elles ressemblent à des cordes d’escalade.

Épissures

Les épissures sont les mêmes sur les amarres organiques et sur les amarres en polypropylène. C’est en grande partie parce qu’elles n’ont pas de gaines et parce que ces amarres ont généralement un tressage à trois torons. Les amarres sur Jean-du-Sud étant en manille, la technique ci-dessous s’applique ainsi à ces deux types d’amarres.

Par contre, les amarres de nylon sont recouvertes d’une gaine et leur cœur est généralement un tressage à torons multiples (10, 15, ou plus). Conséquemment, la technique de réparation d’amarres de nylon n’est pas la même. Elle sera peut-être illustrée dans une révision ultérieure de ce texte.

Préparatifs

On veut se munir d’un couteau, de fil à surlier ou de « duct-tape ». La première étape consiste à éliminer la partie de l’amarre qui est irrécupérable.

Dans le vidéo ci-dessus, je montre l’amarre dans son état de fin de saison. On y voit bien les trois torons, de même que les brins constituant chaque toron.

Le vidéo montre deux nœuds simples fait le long de l’amarre, soit une réparation de fortune (un peu paresseuse) servant à éviter des dommages. Environ deux pieds de l’amarre est suffisamment défait pour couper ce segment (photos ci-dessous).

Ce n’est pas nécessaire de couper l’ensemble de la partie qui n’est plus tressée. Si les torons sont en bon état, on voudra peut-être en garder une partie pour éviter de perdre trop de longueur. L’important est qu’une fois repliée sur elle-même, on ait environ 15 à 20 fois le diamètre de l’amarre en longueur (photo ci-dessous). Comme je travaille avec une amarre d’environ un centimètre de diamètre, je me suis réservé 20 centimètres, soit 10 centimètres sur la partie détressée et un autre 10 centimètres sur la partie correctement tressée.

10 centimètres de l’extrémité à la lame (20 au total).

Si l’amarre est neuve, on voudra détresser les premiers 10 centimètres. Ce sera alors l’occasion de surlier chaque toron ou, si on est mal pris, de recouvrir les extrémités de torons avec du « duct-tape ». L’idée est d’offrir un minimum de protection aux torons, évitant qu’ils ne se défassent pendant les manipulations.

Le nœud de cul-de-porc

Vu du dessus.
Vu de côté.
Aussi vu de côté.

Le nœud de cul-de-porc (ang.: crown knot) sert à renverser la direction du tressage d’une amarre. C’est la première étape de l’épissure renversée. Lorsque l’épissure sera complétée, le nœud de cul-de-porc constituera le début de l’amarre.

L’idée est de passer les trois brins de manière à ce qu’ils s’imbriquent l’un dans l’autre (image ci-dessus). Les étapes sont les suivantes:

  1. Les trois torons de l’amarre sont disposés séparément. Prenez le toron du centre et repliez le vers vous de manière à former une boucle. Il devrait maintenant y avoir un toron sur la gauche de la boucle et un toron sur la droite, formant un « Y ». (Photo 1 ci-dessous)
  2. Prenez le toron de gauche et passez le par dessus la boucle que vous venez de former, pour que son extrémité se retrouve entre la boucle et le toron de droite (Photo 2 ci-dessous).
  3. Prenez le toron de droite et passez le à l’intérieur de la boucle du centre. (Photo 3 ci-dessous)
  4. Il faut alors tirer successivement sur les trois torons de manière à ce que le nœud s’écrase sur la partie de l’amarre qui n’est pas détressée.
  5. Au final, chaque toron devrait maintenant être retourné dans la direction de l’amarre, chacun séparé par un angle d’environ 120°. (Photo 4 ci-dessous).
Photo 1: une boucle avec le toron du centre.
Photo 2: le toron de gauche par dessus la boucle.
Photo 3: le toron de droite dans la boucle.
Photo 4: Le nœud de cul-de-porc est presque terminé. Il faut serrer un peu plus.

Épissure: tresser dans l’amarre

Une fois le nœud de cul-de-porc terminé, il faut commencer à tresser les torons dans l’amarre elle-même. L’idée est de prendre un toron détressé et d’abord de le passer par dessus un (et un seul!) toron tressé, puis d’ouvrir l’amarre (photo 5) pour le passer entre deux torons tressés (photo 6). Le vidéo, plus bas dans ce texte, permettent de mieux voir et complémentent bien les photos.

Ensuite? On répète! On prend le toron suivant et on fait la même opération en prenant soin de le faire passer dans l’ouverture suivante. Une fois les trois torons passés, chacun devrait entrer et sortir à un endroit différent de l’amarre tressée. Si deux torons sortent au même endroit, c’est que l’un des deux n’a pas passé au bon endroit.

Photo 5: on ouvre la partie tressée pour y préparer le passage d’un toron.
Photo 6: on passe un toron dans la partie ouverte.

Pour chaque toron, il faut faire trois ou quatre passes successives de tressage dans l’amarre. Le minimum recommandé pour les amarres organiques est de trois. Pour les amarres synthétiques (poly ou nylon), plus glissantes, le minimum est de quatre. Une fois le nombre de passe terminé, le produit fini devrait ressembler à la photo ci-dessous.

L’épissure est presque terminée!

Couper (et surlier) l’excès

Une fois l’épissure terminée, il faut alors se débarrasser des excès de torons qui dépassent. On peut le faire de deux manières. La première est de couper les torons. La seconde est de les couper et de les surlier. La deuxième finition (surliage) est plus propre, mais fera dépasser les torons un peu plus, ce qui peut être agaçant pendant les manipulations aux taquets de quai. La première prends mois d’espace, mais laissent les torons s’ouvrir et devenir des chiffons. Dans les deux cas, on voudra au minimum laisser un diamètre d’amarre en longueur d’excès. Ainsi, si l’épissure « travaille », elle ne se défera pas.

Comme je n’avais pas de fil à surliage, j’ai simplement coupé l’excès. L’épissure terminée est dans la photo ci-dessous.

L’épissure terminée.

Le vidéo complet

Le vidéo ci-dessous décrit l’ensemble de la procédure. Notez qu’il dure sept minutes. Réparer une amarre n’est donc pas une tâche particulièrement longue.

Une personne qui écoute le vidéo attentivement remarquera qu’à un moment, j’ai passé deux torons dans la même ouverture. Une erreur! J’ai donc dû retirer le toron en trop et le passer dans l’ouverture suivante. Essayez d’identifier cette erreur dans le vidéo et portez attention à la manière de le corriger. C’est une bonne manière d’apprendre comment se corriger si quelque chose de similaire vous arrive.

Conclusion

Dans l’univers des amarres à trois torons, l’épissure renversée est la plus facile. Les autres épissures plus difficiles s’appuient sur les mêmes techniques que cette épissure, mais ajoutent des étapes et de la complexité (e.g. faire un œil en fin d’amarre). En sus des épissures de fin d’amarre, il faut aussi ajouter les épissures pour réparer les amarres au milieu.

Puis, il y a les épissures sur les amarres plus modernes (en nylon, avec une gaine) qui demandent des outils et des connaissances additionnels. La technique est différente et si on souhaite l’apprendre, il faut être prêt à acheter une vingtaine de mètres de corde qu’on sera prêt à sacrifier. C’est plus dur!

Le contenu de cette page n’est pas particulièrement original. Il y a plusieurs autres sources en ligne expliquant comment faire des épissures et comment réparer ses amarres. C’est du savoir marin connu. Si vous n’avez pas entièrement compris les explications de cette page, je vous encourage à fouiller un peu. Ci-dessous, je réfère à deux vidéos complémentaires qui montrent les mêmes techniques.

Pour terminer, signalons que la technique d’épissage sur des amarres de polypropylène est exactement la même que celle exposée sur cette page. La seule différence est que le polypropylène est généralement moulé dans sa forme tressée. Il est donc très dur à ouvrir. Conséquemment, il faut exercer plus de force pour ouvrir le tressage afin d’y faire passer les torons.

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Remerciements

Mes remerciements vont à A. Lionais et à L. Wallace, de qui j’ai appris ces techniques.